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Chroniques d'un mage rimouskois, Récit d'un songe 1 - La dryade

Elle se tient devant moi au milieu des brumes colorées de Morphée, alors que les environs se perdent rapidement dans les brouillards de l'invisibilité. Je ne la connais pas. Je ne connais pas son nom, mais elle connait le mien. Elle me prend les mains et me demande de l'aide, mais me dit que ce n'est pas important, qu'on peut en parler plus tard. Puis, elle m’emmène près d'une maison rouge puisant dans les souvenirs de mon enfance. La maison en elle-même est étrange, plus longue que large. L'entrée principale se situe dans le garage qui fait toute la largeur de la maison. La seule chose qui n'est pas obstruée par le garage, à l'avant, est la porte-fenêtre qui s’ouvre sur un balcon dans le pignon de la maison. Je connais bien cet endroit, la maison où j'ai grandi est visible depuis cet emplacement. Je peux d’ailleurs la voir, la demeure de mon enfance. C’est la seule chose qui ne disparaît pas dans le brouillard au-delà de 30 mètres, mais elle me paraît beaucoup plus proche qu'à l'habitude.

Le mystère est présent, mais sans conséquence. J'ai confiance en elle, comme si elle faisait partie des miens. Et le fait que je ne la connaisse pas n'est pour moi qu'un détail trivial. Je me retrouve dans un état particulier. Je sens ma nature curieuse satisfaite tout en ne sachant pas ce qui se trouve devant moi. Dans la confusion, je fais face à une sensation vivifiante alors que, comme figé dans le temps, mon sentiment de bien-être est constant.

Je repère un détail anormal à côté de la maison. Un arbre, qui n'a pas coutume d’être là. L'arbre est sûrement bicentenaire. Le tronc est suffisamment large pour ça. De ses yeux insondables, elle me regarde et me demande de prendre l'arbre dans mes bras. Je m'exécute sans broncher, incapable d'écouter mon questionnement intérieur. Son contact est intelligent, mais d’une intelligence étrangère au genre humain. C'est alors que je remarque à quel point elle est belle, vêtue de plantes grimpantes, l'une des plus belles qu'il m'ait été donné de voir. Elle me dit qu'elle est gardienne de l'arbre. J'en comprends que c'est une dryade et je pense : «Il n'y a pas de meilleur endroit qu'un rêve pour une fée.» Je savais évidemment que c'était un rêve, mais contrairement aux autres songes dans lesquels j'avais fait cette même réalisation, je ne souhaitais pas le contrôler.

Un lit apparaît près de l'arbre. En me conduisant vers cette nouveauté, elle me dit que j'ai le pouvoir de l'aider à résister au serpent de Phobetor. J'ignorais que le dieu des cauchemars avait un serpent, mais, en y réfléchissant, les charmeurs de serpents n'utilisent-ils pas une forme d'hypnose? Hypnos n'est-il pas le père de Phobetor, Morphée et Phantasos? Elle monte sur le lit par le côté et se place en son centre. Je monte par le bas et je me dirige vers elle. L'euphorie érotique s’empare tranquillement de moi. Plus je m'approche d'elle, plus je la désire et, à chaque centimètre supplémentaire que je franchis, son manteau de lierre s'ouvre un peu plus, laissant de moins en moins place à l'imagination.

Elle me prend les épaules alors que dans mon fort intérieur je sens la promesse de ma plus grande réalisation. C'est alors que son visage devient inquiet et que je commence à ressentir la peur. «Le serpent arrive, Chevalier», m'affirme-t-elle, « Ne me laisse pas périr dans l’oubli.» Ces mots résonnent en moi comme la plus importante des missions! Puis, dans ma confusion, elle pose son pied sur mon ventre et me projette haut et loin. Je vois le serpent, d’une longueur comparable à celle de la maison, renverser le lit sur lequel nous n'étions plus. Elle se dirige à présent vers une forêt et le serpent la suit. Maintenant, j'ai peur de ne plus la revoir. Néanmoins, je sais qu'elle ne sera pas oubliée.

Elbereth

2013-07-08

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